EMPLOYEURS, LE SAVIEZ-VOUS ? #10
- Henri Boueil
- 30 oct.
- 3 min de lecture
Un salarié vient de m’informer que son permis de conduire lui avait été retiré, comment réagir ?
Lorsqu’un salarié se voit retirer son permis de conduire, la réaction à avoir n’est pas si évidente ; il faut concilier les exigences de l’activité de l’entreprise avec les contraintes légales.
Avant de prendre la moindre mesure, il est nécessaire de bien identifier le contexte et notamment déterminer si l’infraction commise par le salarié a eu lieu dans le cadre de son activité professionnelle ou dans sa vie privée.
Infraction commise sur le temps de travail
Si l’infraction commise par le salarié s’est déroulée pendant le temps de travail et alors qu’il conduisait un véhicule d’entreprise, cela constitue un manquement aux obligations contractuelles qui peut parfaitement justifier une sanction disciplinaire, voire un licenciement.
Infraction commise dans le cadre de la vie privée
Toutefois, la jurisprudence a adopté une position protectrice des salariés lorsqu’ils ont fait l’objet d’un retrait ou d’une suspension de permis de conduire en raison d’un fait commis dans le cadre de leur vie privée.
Plus largement, dès lors qu’un fait tiré de la vie privée du salarié ne constitue pas un manquement à ses obligations contractuelles, il ne peut être sanctionné1.
Cela signifie que par principe, un dirigeant ne peut sanctionner un salarié qui s’est vu retirer son permis car il a commis des infractions lorsqu’il était en week-end avec sa famille.
Cependant, par souci de cohérence, la jurisprudence admet la validité d’un licenciement dès lors que le retrait de permis cause un trouble objectif au fonctionnement de l’entreprise2.
Ce trouble objectif au fonctionnement de l’entreprise peut être caractérisé lorsque le salarié est tenu de posséder le permis de conduire pour travailler.
Dans cette hypothèse, il est toutefois nécessaire d’être vigilant sur la procédure à mettre en place car il ne peut s’agir d’un licenciement disciplinaire mais plutôt d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Cette distinction est importante notamment en matière de préavis et d’indemnité de licenciement par rapport à un licenciement disciplinaire pour faute grave par exemple.
La portée d’une clause insérée au contrat de travail
Certains contrats de travail prévoient des clauses usuelles qui précisent clairement que le retrait ou la suspension du permis de conduire du salarié constitue une cause de licenciement.
Or, ces clauses ne sont d’aucune utilité et un licenciement qui serait prononcé uniquement sur le fondement de la violation de cette clause serait jugé abusif3.
La Cour de cassation considère en effet qu’aucune clause du contrat ne peut valablement décider qu’une circonstance quelconque constituera en elle-même une cause de licenciement.
Bien qu’il ne soit pas pertinent d’insérer une clause aussi radicale au sein du contrat de travail, il peut être efficace d’insérer une clause qui confirmerait la nécessité pour le salarié de disposer d’un permis de conduire valide pour l’exercice de ses fonctions.
De cette manière, en cas de retrait ou de suspension de permis de conduire du salarié, il sera plus aisé de démontrer que les missions du salarié nécessitent réellement un permis de conduire.
Cela ne prive cependant pas l’employeur de la nécessité de rapporter la preuve d’un trouble objectif au fonctionnement de l’entreprise pour procéder au licenciement.
Ainsi, face à une telle situation, de nombreux éléments doivent être analysés et pris en compte afin de déterminer la réaction à adopter.
Qu’il s’agisse de la procédure à mener, de la rédaction de la lettre de licenciement ou des contrats de travail en amont, il est recommandé de se faire accompagner avant de prendre toute mesure définitive qui pourrait être contestée et mener à une condamnation de l’entreprise.
Cass. soc., 3 mai 2011, n° 09-67.464 ; Cass. soc., 10 juill. 2013, n° 12-16.878 ; Cass. soc., 5 févr. 2014 ; n° 12-28.897 ; Cass. soc., 24 oct. 2018, n° 17-16.099
Cass. soc., 19 nov. 1980, n° 79-40.294 ; Cass. soc., 24 janv. 2007, n° 05-41.598
Cass. soc., 12 févr. 2014, n° 12-11.554



